La situation actuelle est assez confuse pour que nous n’ayons pas à
rajouter des dogmes à ceux que l’Église nous demande de croire, expliquait Mgr
Lefebvre. Or une tentation serait de devoir prendre position de façon
catégorique sur toutes les organisations qui nous environnent. Devant ses
séminaristes, Mgr Lefebvre prenait l’exemple de l’Office international des
œuvres de formation civique et d'action culturelle selon le droit naturel et
chrétien, mouvement fondé par la Cité catholique de Jean Ousset et organisateur
des célèbres congrès de Lausanne, lequel avait vaillamment accompagné l’action
de l’archevêque au cours du Concile et dans ses essais de restauration
sacerdotale. Par la suite, ses dirigeants ont glissé, ils ont mis entre
parenthèses certaines doctrines et n’ont pas voulu prendre position sur la
messe. Fallait-il en faire des ennemis à honnir et à déconsidérer ? Déjà,
plusieurs esprits du mouvement traditionnel, devançant le fondateur de la
Fraternité Saint-Pie X, diffusèrent une brochure éditée par le monastère
Saint-Joseph de Clairval, dont l’auteur resta anonyme, afin de dénoncer
l'organisation sous le titre : « Une fausse contre-révolution : l’Office ? ».
A la fin de l’année 1976, à l’heure où certains mouvements s’éloignaient du
fait de la suspens a divinis prononcée contre Mgr Lefebvre, ce
dernier invitait ses séminaristes à la prudence dans le jugement et à ne pas
rajouter de nouveaux dogmes à ceux que l’Église nous enseigne.
« S’il reste
encore des questions disputées, c’est possible, c’est certain même : Il y
a encore des questions qui sont disputées, il y a des questions qui ne sont pas
définies encore dans l’Église. Mais je pense qu’il y a suffisamment de dogmes,
suffisamment de vérités définies dans tous les domaines pour que nous ayons un
jugement bien formé et que nous puissions connaître vraiment la vérité que
l’Église nous enseigne. Évidemment, nous sommes confrontés maintenant à une
telle situation dans l’Église, à de telles discussions, à de telles remises en
question que certains pourraient parfois hésiter sur ce qui est vraiment la
vérité enseignée par l’Église et ce qui est le champ ou le domaine des idées
libres et discutables.[…]
« Vous pouvez
discuter. Mais parce que votre confrère n’est pas absolument du même avis sur
un article de Permanences, « Avez-vous lu cet article de Permanences
? Qu’est-ce que vous en pensez ? Ah, vous n’êtes pas de cet avis-là ?
Ah, vous n’avez pas le droit ! » Et on commence à se disputer. Mais
non quand même ! Est-ce que c’est indispensable ? Est-ce que cela
fait partie de la doctrine qui vous est enseignée au séminaire ? Vous
pouvez tout de même avoir quelques opinions différentes, quelques nuances dans
vos opinions à ce sujet-là. C’est un problème intéressant, c’est un problème,
au moins pour les Français, auquel vous serez confrontés, pour d’autres
pays peut-être aussi, mais c’est surtout pour la France. Donc que vous vous
renseignez un peu sur ce problème que vous entendiez un confrère qui vous dise
cela, un autre confrère qui vous parle un peu autrement, très bien, vous vous
ferez petit à petit une opinion, et quand vous aurez plus tard à juger de ces
affaires-là vous jugerez, mais attendez.
« Même si
quelqu’un pendant les vacances vous demande : qu’est-ce que vous pensez de
l’Office [international] ? Dites tout simplement : je ne sais pas, je
ne suis pas très informé. Vous pouvez très bien dire : je ne suis pas très
informé, je discute, je ne sais pas exactement, je n’ai pas une connaissance
parfaite du problème, j’ai entendu dire ceci, j’ai entendu dire cela, mais vous
n’êtes pas obligé d’avoir une opinion. Cela ne fait pas partie des dogmes de
notre foi. Vous pouvez très bien ne pas le savoir, sans être de grands
ignorants. Et ce sont des problèmes très délicats qu’il ne faut pas aborder
sans une réelle connaissance et qu’il ne faut pas juger sans une réelle
connaissance. Parce qu’on peut facilement se tromper dans ses jugements.
« Pour ma
part, personnellement, je vous avoue que je suis très prudent dans mes
jugements quand on me parle de ces choses-là. Je reconnais que pour ce que je
puis savoir de la situation de l’Office, comme je vous l’ai déjà dit, on a
assisté certainement à un certain glissement dans les idées de l’Office, glissement
vers certains compromis, certaines idées moins claires, moins nettes, moins
affirmées comme le règne de Notre-Seigneur qui autrefois dans le Pour
qu’Il règne était affirmé d’une manière plus forte, plus ferme. On a
supprimé certaines choses. Il y a certainement une certaine tendance de ce
côté-là. Il y a eu peut-être un manque de prise de position vis-à-vis du
catéchisme, même vis-à-vis de la messe qui ont laissé un certain flottement
dans l’Office, alors qui créent une certaine gêne, une certaine gêne pour
beaucoup de personnes.
« Alors
est-ce qu’il faut dire tout de suite : « Tous ces gens-là sont des
gens qu’il faut honnir avec lesquels il ne faut plus avoir aucune relation, ce
sont tous des ennemis de l’Eglise » ? Non, tout de même ! Il ne faut
pas tout de suite passer de certaines constatations aux conséquences ultimes,
c’est le meilleur moyen d’éloigner tous ces gens-là et de ne jamais arriver à
les convertir, de ne jamais arriver à les ramener à la vérité, de ne jamais les
ramener à plus de fermeté, c’est certain. Mais il faut expliquer cette
situation, il faut l’expliquer et la comprendre un peu parce qu’ils ont été
abandonnés par les Pères de Chabeuil qui leur donnaient des conseils très
justifiés autrefois. Et puis ces Pères de Chabeuil ont viré complètement vers
les solutions modernes, le progrès, les nouveautés, et évidemment cela a été
préjudiciable pour l’Office. C’est un fait. Je donne un exemple pour l’Office.
Ensuite vous pouvez avoir différentes opinions sur une chose qui peut provoquer
certaines discussions parmi vous. »