Dans une conférence dispensée aux séminaristes d’Écône le 2 décembre
1982, Mgr Marcel Lefebvre mettait en garde contre un abandon du sens de l’Église.
Une vision trop humaine des choses, qui perdrait de vue la dimension divine du
Corps mystique du Christ, pourrait conduire hâtivement à tout envoyer au loin, en
se contentant de son univers particulier, en ne voyant plus dans l’Église qu’un vulgaire
combat politique, en considérant les membres de la hiérarchie comme autant d’étrangers,
selon une logique dont l’aboutissement serait le sédévacantisme, plus ou moins avoué. Pour Mgr
Lefebvre, cette perte de discernement est un piège et l’œuvre du démon.
« Nous devons tenir ferme et ne pas
nous laisser entraîner par une dureté, une crispation – je dirais sentimentale –
contre cette situation qui est évidemment une situation terrible pour l’Église.
Alors on peut avoir cette tendance dangereuse, à mon sens, de tout rejeter.
Rejeter toute hiérarchie, le pape, les évêques, les cardinaux. On ne veut plus
rien savoir, c’est fini, cela ne vaut plus rien, il n’y a rien à faire. Cela,
c’est une tendance qui peut être assez naturelle. Évidemment nous
souffrons tous de cette situation, énormément. Mais on ne doit pas, parce que
nous souffrons, tout jeter par-dessus bord et par le fait même ruiner la
possibilité de revenir à un état normal. S’il n’y plus les cadres dans lesquels
la normalité peut se rétablir et se faire, comment allons-nous la
rétablir ? Alors en faisant un pape, en faisant des cardinaux, comme
Palmar de Troya, par exemple ? C’est de la folie. Ou comme Saint-Jovite au
Canada ou, comme ils sont près malheureusement à le faire en Amérique, ceux qui
ont ces idées-là. Cela n’a pas de sens, c’est le véritable schisme et c’est
faire l’œuvre du diable, c’est sûr, ce n’est pas l’œuvre du Saint-Esprit. »
(Mgr Lefebvre, 2 décembre 1982).
A l’occasion du XIIe
Congrès du Courrier de Rome, Mgr Bernard Fellay, supérieur général de la
Fraternité Saint-Pie X a repris cette thématique. Plus de trente ans après, la
situation demeurant confuse, les dangers auxquels nous sommes exposés restent
les mêmes et nous pouvons nous laisser attirer par des oppositions binaires qui
nous pousseront à ne plus faire aucun cas du reste de l’Église, en raison d’une
perte de sa dimension surnaturelle :
« Il y a un
risque pour nous de voir seulement le côté humain, le côté misérable, tout
spécialement aujourd’hui. La situation de l’Église est pénible, triste. Elle
confond, c’est-à-dire qu’elle est confuse et la tentation est grande de prendre
le moyen humain et de tout balancer. Mais c’est un moyen humain. Pour l’amour
du Ciel ! Ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Il ne faut pas tout
balancer, même si nous sommes profondément choqués par tel ou tel acte, par une
dérive invraisemblable, par beaucoup de choses que l’on voit aujourd’hui. Il n’est
certainement pas juste de dire : « On n’a plus rien à faire avec cela ».
Si on se limitait au côté humain, peut-être, mais de dire simplement : « Tout
cela, ce n’est pas l’Église », c’est avoir confondu un arbre qui cachait
la forêt ou, cette fois-ci dans l’autre sens : On a oublié la forêt parce
qu’on a vu un arbre malade. Il faut maintenir avec beaucoup de force, surtout
aujourd’hui quand on voit l’Église malade, que c’est l’Église de Notre Seigneur
Jésus-Christ. C’est son Église. Alors on ne va pas attribuer aux éléments
malheureux, déficients, cette définition. Mais on va dire : Là, derrière,
il y a encore l’Église. Cette Église est encore là. Elle n’a pas disparu. Cela ne
veut pas dire qu’il faut avaler le poison. Mais cela veut dire qu’il faut
maintenir une relation à l’Église qui soit correcte. Nous sommes catholiques,
catholiques romains et nous le restons. » (Mgr Fellay, 11 janvier 2015)
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