dimanche 28 avril 2013

Mgr Lefebvre : Quelle image donnons-nous ?


Nous transcrivons la suite de la conférence que Mgr Lefebvre dispensait à ses futurs prêtres à Écône le 8 juin 1975. Le séminaire était sur le point de se voir retirer officiellement son approbation canonique et les critiques commençaient à fuser sur cette œuvre qui acquerrait peu à peu une notoriété internationale. Face aux insultes qui pleuvaient (séminaire sauvage, évêque de fer, prélat rebelle, etc.), grand était le danger de répliquer et de s’aventurer dans une posture caractérisée par l’animosité. Le fondateur prévient : loin de plaider en faveur de notre cause, une telle attitude la desservirait profondément car elle serait le reflet de notre manque de sainteté. Comme substitut, il présente l’idéal christique, qui ne s’agite pas mais qui sur fonde sur la patience et le silence, celui de Notre Seigneur devant ses juges.

« Et vous savez bien — je l’ai dit maintes fois — que je souhaite vraiment que, même entre vous, même dans les propos de table, même dans les propos de récréation, on ne dise pas des paroles méprisantes contre les personnes. Qu’on lutte contre les erreurs, oui ! Qu’on parle contre les erreurs oui ! Mais tenir des propos méprisants contre les personnes, à plus forte raison quand il s’agit de personnes comme le Saint Père, comme les cardinaux, ce n’est pas normal. Qu’on dise qu’on pense que ce qui est dit dans tel acte, dans telle phrase, cela nous choque, qu’on en discute, très bien, on peut très bien discuter ! Mais de là à attaquer les personnes méchamment, les traiter avec mépris, ce n’est pas une manière de faire, cela n’avance à rien, absolument à rien ! […]

« Vous savez, le séminaire c’est la recherche de la sainteté. Et plus tard, si vous voulez que le séminaire, malgré toutes les épreuves qu’il traverse, malgré toutes les critiques que l’on peut lui faire, si vous voulez que ces cardinaux, tous ces évêques qui nous critiquent, finissent par reconnaître le séminaire, finissent par reconnaître que Écône a fait du bien, finissent par reconnaître que les prêtres qui sortent du séminaire sont de bons prêtres, il faut que nous le prouvions par notre sainteté, c’est cela qui convaincra de la vérité et du bien du séminaire et du bien de la Fraternité, c’est cela ! 

« Si au contraire ils se trouvent devant des gens excités, agités, ayant toujours à la bouche des paroles pénibles, désagréables, des épithètes méprisantes, ils n’auront aucune estime du séminaire : le séminaire a formé des gens qui ne sont pas des saints. Les saints ne parlent pas comme cela ; les gens qui ont l’esprit de sagesse, l’esprit de mesure, l’esprit de prudence, l’esprit de conseil ne parlent pas comme cela. Alors il faut arriver à acquérir cet équilibre, cette mesure, cette prudence, cet esprit de conseil, cet esprit de sagesse. C’est cela la sainteté : l’esprit des béatitudes ! Relisez et relisez les béatitudes, méditez les béatitudes et tout le chapitre qui suit les béatitudes : On vous frappe sur la joue droite ? Eh bien, présentez la joue gauche ! Ce n’est pas si facile que cela, parce que ce n’est pas seulement quand on frappe sur la joue qu’on réagit, mais même quand on entend un mot, un seul mot. Oh ! Tout de suite on prend feu, on prend feu ! Alors qu’est-ce que ce serait si on était frappé sur la joue ? Est-ce que vous croyez qu’on présenterait l’autre ? Ça se peut… Il y a peut-être des membres qui se lèveraient tout de suite ! Ou le pied ou le poing !

« Eh bien, il faut pourtant se plier à ce que le Bon Dieu demande : Si on vous frappe sur la joue gauche, présentez la joue droite ; ou sur la joue droite, présentez la joue gauche. Si on vous demande de faire mille mètres, faites-en deux mille. Si on vous demande votre vêtement, donnez encore plus que votre vêtement, donnez le double. Il faut arriver à être comme cela, à être bon, à être charitable, à être condescendant, à être patient et savoir supporter. On vous insulte, on vous a dit une petite insulte, une petite chose qui vous est désagréable ? Mais passez là-dessus et que la prochaine fois que vous revoyez votre confrère vous êtes avec lui comme s’il n’avait rien dit. Il faut arriver à cela, il faut arriver à surmonter les difficultés. C’est cela qui permet vraiment que l’esprit de Notre Seigneur règne dans le séminaire ! »

dimanche 21 avril 2013

Histoire de marins



« Au temps jadis était un roi très bon et très juste dont les états avaient été envahis par un cruel ennemi. Lui et ses plus fidèles sujets s’étaient réfugiés dans une petite île défendue par un vaisseau de haut bord de fort bonne apparence. Depuis plus de quarante ans ce navire protégeait l’île des incursions ennemies et de l’invasion. Or, il arriva que quelques marins eurent des soupçons sur la fidélité du capitaine : n’allait-il pas livrer le bateau à l’ennemi ? Inquiets, ils épiaient ses moindres faits et gestes et ils ne tardèrent pas à se persuader de la duplicité de celui qui était maître à bord après Dieu : on ne voit bien souvent que ce que l’on désire voir ! Un jour, après s’être échauffé plus longuement la bile en ressassant les mille et un signes indubitables de trahison, l’un des compères dit à son compagnon : « Ils n’auront jamais le navire, viens avec moi… » Et ils sabordèrent le bateau… Ce fut ainsi que le royaume tomba sans combat aux mains des ennemis. Toute ressemblance avec des situations ayant existé pourrait bien n’être pas purement fortuite. »

Merci à l'auteur de ce conte.

lundi 15 avril 2013

Mgr Lefebvre raconte l'approbation canonique de la Fraternité Saint-Pie X


Extrait de Mgr Lefebvre, Petite histoire de ma longue histoire, 1999 : 
« Au mois d’octobre nous sommes venus nous installer [à Ecône]. C’était déjà deux étapes importantes. Voyez, une maison à Fribourg, et la maison d’Ecône. Trois séminaristes d’un côté, ce n’était pas grand chose ; mais après, un autre est venu s’adjoindre, l’Abbé Waltz, cela faisait quatre, puis l’Abbé Cottard, cela faisait cinq. Cinq à la Vignettaz et onze à Ecône. C’était déjà un bon commencement.

« Cependant, il fallait savoir si Mgr Charrière était d’accord pour cette fameuse société. Oui ou non ! J’y allais avec beaucoup de doutes et craignant bien qu’il n’accepte pas. C’était le 1er novembre et il m’a dit : « Si, si, je suis d’accord, je suis tout à fait d’accord. Oui. Oui. Je fais venir le secrétaire. » Il dit au secrétaire : « Préparez une feuille, etc. Tapez à la machine mon approbation canonique des statuts de la Fraternité Saint-Pie-X, fondée par Mgr Lefebvre, etc. »

« Je me disais : « Ce n’est pas possible ! Je rêve ! Ce n’est pas possible ! » Je me vois encore revenir avec les statuts, la signature de Mgr Charrière et la mienne, au milieu des séminaristes à la Vignettaz et leur dire : « Bien, ça y est, les statuts de la Fraternité sont approuvés ! » Oh ! Ils ne me croyaient pas non plus. Ah, ça c’est un signe de la Providence ! Approuvés par l’évêque du lieu,... c’est formidable ! Parce que trois mois après, c’était Mgr Mamie qui lui succédait. Il était déjà contre nous. Il n’aurait pas voulu que Mgr Charrière, dont il était le vicaire général, donne sa signature pour cette Fraternité. Il n’était pas d’accord, mais c’était fait. » 
Le 1er novembre 1970, la Fraternité Saint-Pie X était érigée canoniquement dans le diocèse de Fribourg. Le fondateur était très attaché à cette reconnaissance. Il ne s'est pas arrêté au fait que les autorités hiérarchiques étaient gangrénées par le néo-modernisme ambiant, en particulier pendant cette période de débandade qui suivit le Concile et les agitations de mai 1968. Au contraire, il désirait que ne soit pas malmené, dans la mesure du possible, un article de foi qui n'est pas optionnel, celui de la primauté de Pierre. Et à partir de 1975, une fois l'oeuvre condamnée, il a subi les condamnations, il ne les a pas désirées. Même au moment où il annonçait sa ferme intention de procéder aux sacres, il a précisé que son successeur rouvrirait dans quelques temps les pourparlers avec le Saint-Siège. En veillant à se rendre sans cesse à Rome, il a bien montré qu'il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour parvenir à une solution viable. Ne voyons pas dans ces essais répétés du sentimentalisme ou du scrupule légaliste, mais simplement un véritable sens de l'Eglise qui conduit à ne pas mépriser la tête de l'Eglise et à ne pas négliger la recherche de la justice que devrait réaliser une reconnaissance. La seule limite à cette recherche est bien entendu l'impossibilité de consentir à des propositions qui diminueraient la foi. Une fois ces éléments garantis, l'établissement d'une structure canonique relève de normes prudentielles que des responsables désignés sont à même de juger. L'histoire de la Fraternité exclue d'emblée les attitudes qui appellent à régulariser à tout prix, en faisant fi des problèmes ambiants, ou au contraire, à ne régulariser à aucun prix, délaissant tout effort à réaliser. Entre les deux, l'attitude de Mgr Lefebvre se situe sur la ligne de crête.

dimanche 7 avril 2013

Mgr Lefebvre : Il est dangereux de se constituer en francs-tireurs


« Nous devons avoir conscience de cette unité. Et c'est pourquoi, nous déplorons d'autant plus le départ de certains de nos membres. Sans doute cela est dû aux circonstances dans lesquelles nous vivons. Circonstances où le doute s'installe partout, où les esprits sont troublés. Circonstances qui veulent que, étant, d'une certaine manière, un corps de combat de première ligne, facilement, ceux qui sont en première ligne, deviendront des francs-tireurs. Ils se croiront avoir une mission particulière. Mais il est dangereux de se constituer en francs-tireurs. On peut, non seulement ne pas accomplir la volonté de Dieu, ne pas accomplir la volonté des supérieurs, mais on peut aussi détruire, involontairement sans doute, l'œuvre que le Bon Dieu nous demande d'accomplir. Et s'ils peuvent être excusés d'une certaine manière, par le fait que nous sommes très dispersés, que physiquement nous sommes très éloignés les uns des autres, dans ce ministère qui absorbe nos activités. Cependant, étant données les années qu'ils ont passées dans cette maison, étant donnés les liens qui les unissaient à la Fraternité, il est douloureux, il est triste de penser qu'ils ont cru devoir nous quitter. Et nous prions Dieu, afin qu'ils comprennent que leur place est dans la Fraternité et que leur activité sacerdotale doit s'exercer dans l'intérieur de la Fraternité, dans l'intérieur d'une famille sacerdotale. Sinon, elle risque d'être fort stérile et de ne pas être bénie par Dieu.

« Alors c'est pourquoi j'insiste aujourd'hui particulièrement sur cette unité entre nous. Sans doute il est plus facile pour des familles religieuses qui sont des familles monacales, qui forment des monastères, il est plus facile de maintenir cette unité. Pour nous qui sommes très dispersés par la nature même de notre Fraternité Sacerdotale, l'unité peut paraître quelquefois plus difficile. Eh bien, si elle est plus difficile, justement elle demande que nous ayons des liens plus forts, plus solides, plus résolus afin de demeurer unis les uns aux autres et de travailler au règne de Notre Seigneur Jésus-Christ, dans cette famille religieuse qui est – encore une fois – unie à l'Eglise de toujours. Et unie à l'Eglise d'aujourd'hui, et même unie, je dirais, à ses chefs qui, s'ils sont influencés par les idées modernes - auxquelles nous ne pouvons pas adhérer – s’ils sont influencés par des idées de ce droit nouveau, comme le disait Léon XIII – droit qui a été condamné par Léon XIII et par tous ses prédécesseurs – si en ce sens nous ne nous sentons pas parfaitement en communion de pensée avec ceux avec lesquels nous devrions être en pleine communion de pensée – eh bien, peu importe. Cela ne rompt pas cependant cette unité, car à travers leurs personnes qui devraient être parfaitement soumises à la Tradition, parfaitement soumises à ce que leurs prédécesseurs ont enseigné, eh bien nous sommes réunis par eux, quand même à cette apostolicité qui descend à travers tous les souverains pontifes jusqu'au Souverain Pontife régnant aujourd'hui. »
 Mgr Marcel Lefebvre
Écône, le 22 mars 1980

Un franc-tireur est un soldat qui agit indépendamment, qui tire à vue, sans se soucier de quelque hiérarchie que ce soit. A l’occasion d’une ordination au sous-diaconat à Écône, Mgr Lefebvre mettait en garde les futurs prêtres contre ce risque de devenir ce genre de destructeur involontaire. Le 22 mars 1980, le fondateur de la Fraternité Saint-Pie X n’était pas confronté à une contestation particulière. Il l’avait été par le passé puisqu’étaient partis autour des deux premiers directeurs d’Écône, ceux qui poussaient à régulariser à tout prix la FSSPX et qui reprochaient au supérieur sa dureté. A l’inverse, ceux qui voulaient qu’on puisse au moins considérer comme une option le refus d’accepter la légitimité du pape actuel s’étaient eux aussi manifestés l’année suivante, arguant d’un soi-disant libéralisme de Mgr Lefebvre. Autour d’eux se retrouvaient ceux qui n’envisageaient aucun accord à quelque condition que ce soit.

Les années ont passé et, de part et d’autre, des contestations ont germé, emmenant par-ci par-là un groupe de cinq, parfois dix, voire même une vingtaine de prêtres. Ce qui marque ces différents mouvements, c’est :

  • l’absolue conviction des contestataires d’être dans la continuité du combat initial et, depuis la mort de Mgr Lefebvre, d’être les véritables héritiers du fondateur.
  • leur amère condamnation des supérieurs de la FSSPX, accusés de dériver de manière évidente soit vers le sectarisme, soit vers le libéralisme.
  • la revendication de l’état de nécessité pour asseoir leur contestation, de l’indispensable résistance doctrinale et donc de la justification de leur désobéissance.
  • la coagulation dans ces noyaux de sujets en difficulté depuis plusieurs années qui trouvent à l’occasion de combats plus vifs l’occasion de fédérer les déceptions.
  • leurs oppositions internes débouchant sur un délitement une fois le différend acté.

Mgr Lefebvre explique ces dissensions successives par le fait que la FSSPX se trouve dans une situation délicate – on pourrait parler de ligne de crête – où étant ballottée d’une condamnation à une autre, elle subit en interne les conséquences du combat ardent qui provoque l’usure des uns et la crispation des autres. A l’époque où elle était un véritable signe de contradiction, la Compagnie de Jésus connut en son temps ces secousses internes. Enfin, dans ce même passage, Mgr Lefebvre rappelle la nécessaire unité à l’intérieur de la Fraternité et à l’extérieur : unité entre ses membres et unité à l’Église de Rome et au pape, à travers lequel nous sommes unis aux premiers apôtres, et cela en dépit des graves divergences sur lesquelles repose la situation actuelle de la FSSPX.

C.P.