Il n’y a pas loin de quarante ans, Mgr Marcel Lefebvre était le témoin
du meilleur comme du pire de la part des fidèles de France. Sans doute sa
patrie constituait-elle ce riche terreau qui a permis l’éclosion de nombreuses
vocations, où des chapelles de fortune sont devenues des églises affermies,
bastions de la catholicité. En même temps, elle était le théâtre de disputes
stériles, où les parties, sombrant dans un volontarisme activiste, s’excommuniaient
mutuellement. Le 18 septembre 1977, à l’occasion de ses trente ans d’épiscopat,
il prêchait en ces termes :
« Vous entendez
dire à droite, à gauche : le séminaire a pris une nouvelle orientation; le
séminaire a ceci; le séminaire a cela. C’est le diable qui dit cela !
Parce qu'il veut détruire le séminaire. Évidemment, il ne peut pas supporter
des prêtres catholiques; il ne peut pas supporter des prêtres qui ont la foi. Et hélas, il faut bien le dire, autour de
nous et dans tous les pays, mais particulièrement en France, il y a de telles divisions
parmi ceux qui veulent garder la foi catholique que fusent alors les calomnies,
les médisances, les paroles exagérées, des réflexions insensées qui ne sont pas
justifiées. Ne nous occupons pas de tout cela. Laissons parler. Agissons
selon la volonté du Bon Dieu, selon la volonté de l'Église catholique, en
continuant ce que nos prédécesseurs ont fait, ce que nos ancêtres ont fait, ce
que le concile de Trente a demandé aux évêques et ce qu’ils ont fait : la
formation qui a toujours été donnée aux prêtres et nous serons dans la sécurité
d’être dans la vérité. C’est tout. Pas besoin d'écouter ce qui se dit de droite
et de gauche. Demeurons dans la sécurité ; demeurons dans la foi. »
On s’en aperçoit, cette réalité ne date pas du XXIe siècle,
ni même du XXe siècle. Cent ans plus tôt, le futur cardinal suisse
Gaspard Mermillod avait déjà été frappé par cette propension qu’ont les Français
à développer les chicanes. Le 9 mars 1852, il écrivait :
« Il y a le Paris catholique
intellectuel, mais les chefs de ce mouvement sont divisés ; ils sont
fractionnés en cercles, les cercles en coteries ; c’est le plus triste
éparpillement de forces qu’il soit donné à l’homme de voir. Puis, au lieu de
chercher à s’unir en face de l’ennemi, ces coteries dépensent leur temps à
s’excommunier, leur poudre à se faire feu dessus. L’anarchie est complète, et
nulle main, nulle raison assez forte pour rallier toutes ces puissances qui
s’individualisent et s’affaiblissent. Il y a bien à la rigueur in necessariis unitas ; il y a trop
in dubiis libertas ; il n’y a pas
toujours in omnibus caritas ».
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