Au tournant des XIXe et XXe
siècles, les historiens avaient coutume de parler des « Deux
France ». Il y avait la France catholique, royaliste et ultramontaine d’un
côté, et la France républicaine, anticléricale et laïque de l’autre. Dire en
laquelle de ces deux « France » nous nous reconnaissons n’est pas un
grand mystère… Il s’agissait pour ces auteurs de distinguer des tendances ou
plutôt des mouvements d’idée, non de différencier des entités structurelles
clairement définies. Ainsi, serait-il absurde et ce serait même un sophisme que
d’avancer que l’actuel président de la République gouverne un autre pays que la
France sous prétexte qu’il serait à la tête de la France laïque à l’exclusion
de la France catholique.
Afin de mieux nous aider dans la
compréhension de la situation de l’Église, Mgr Lefebvre prononça une déclaration très claire distinguant deux tendances dans l’Église : la Rome
éternelle, catholique et gardienne de la foi d’une part et la Rome de tendance
néo-moderniste et néo-protestante d’autre part. Mais on userait du même
sophisme si on concluait de cette distinction que le pape est simplement le
chef de l’Église conciliaire mais pas de l’Église catholique. On aboutirait
d’ailleurs à une situation où l’Église catholique n’aurait, quant à elle, plus
de chef. Cela a un nom : le sédévacantisme.
Plusieurs années après avoir prononcé sa
fameuse déclaration de 1974, Mgr Lefebvre, s’adressant à ses séminaristes d’Écône,
reprochait à certains de mal interpréter ses propos et rappelait que les papes
actuels, malgré leurs déviances, sont bien évêques de Rome, successeurs de
Pierre et pasteurs de l’Église catholique :
« Je ne veux pas
dramatiser ce qui n’est pas dramatique, mais j’ai parfois l’impression que il y
en a vraiment qui ont une manière d’interpréter les choses, même les choses que je dis moi-même ici ou
les choses qui sont dites par les professeurs ou par M. le directeur, d’une
manière qui n’est pas toujours exacte, qui n’est pas toujours très juste. Dieu
sait combien de fois j’ai déjà eu l’occasion de parler très clairement de ce
qu’il fallait penser du pape, de ce qu’il fallait penser de la messe, de l’assistance
à la messe nouvelle, combien de fois j’ai eu l’occasion de parler de ces
choses-là, mais il semble qu’il y ait toujours à ce sujet-là, certaines
discussions, de mauvaises compréhensions. Je sais bien qu’on se trouve dans une
période difficile, douloureuse. Il n’y a plus d’autorité, il n’y a plus de gouvernement.
Le pape n’est pas hérétique, mais il laisse se diffuser malheureusement
l’hérésie partout, par la faveur donnée précisément à cet œcuménisme et à cette
ambiance qui fait qu’on se demande si la foi dans l’Eglise, dans la vérité de
l’Eglise catholique et dans l’unicité de l’Eglise catholique, est encore bien
ancrée dans sa pensée et dans sa manière de voir. Mais enfin, je ne pense pas
qu’on puisse dire que les papes libéraux que nous avons eus depuis le pape Jean
XXIII soient des hérétiques formels. Alors je pense également qu’il faut
toujours nous rappeler qu’il ne peut pas y avoir d’autre pape que celui qui est
sur le siège de Pierre, que l’évêque de Rome. Le pape est pape parce qu’il est
évêque de Rome. Il est d’abord évêque de Rome. Ensuite, parce qu’il est évêque
de Rome, il est sur le siège de Pierre, il est successeur de Pierre et donc
pasteur de l’Eglise universelle. C’est une chose très importante, fondamentale
pour l’Eglise. Même si le pape devait quitter Rome un jour, chassé de Rome qui
était dévastée par les ennemis, eh bien ce serait toujours l’évêque de Rome qui
serait le successeur de saint Pierre, même dans la diaspora, même parti, il
serait toujours celui qui est choisi par le clergé romain, élu par le clergé
romain. Et le clergé romain, ce sont les cardinaux actuellement, qui ont tous
un titre à Rome, un titre de paroisse. Ils sont tous curés de Rome. Ce sont les
curés de Rome qui élisent le pape. C’est parce qu’il est évêque de Rome qu’il
est pape. Et c’est pourquoi le pape va toujours prendre possession
solennellement de la cathédrale de son diocèse, du diocèse de Rome au Latran,
d’une manière solennelle. Alors on ne peut pas se séparer. »
(Conférence aux séminaristes du 10 janvier 1983)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire