Il y aurait tant à dire sur cette
fameuse cérémonie des sacres épiscopaux du 30 juin 1988. Nous avons eu l’occasion
d’en restituer récemment le climat et les motivations. Jamais elle ne fut un
schisme car Mgr Lefebvre n’a eu qu’un souhait : agir « pour l’amour
du pape » et « pour l’amour de l’Église ». Il s’est trouvé
devant un véritable cas de conscience. Pour autant, il n’a jamais désiré créer
une église parallèle, un mouvement personnel ni même une mouvance séparatiste. Cette
cérémonie n’a pas non plus été un changement radical d’attitude où Mgr Lefebvre
aurait fini par jeter l’éponge et désiré manifester son dépit à l’égard des
autorités de l’Église dont il aurait voulu se séparer. Les sacres n’étaient que
le parachèvement des ordinations qu’il avait conférées pendant des années et il
n’a transmis l’épiscopat que parce qu’il était acculé face à la mort. Quelques
mots suffiront à illustrer cet anniversaire, nous les empruntons au journaliste
Yann Clerc :
Les yeux du salut éternel
Il m'étonne aujourd'hui de conserver en mémoire si peu d'images de la cérémonie des sacres. J'ai pourtant vécu celle-ci à Écône, avec la plus intense émotion d'une vie de journaliste, naturellement fertile en sensations fortes.
Cette évanescence ne me trouble pas. Je n'en sais pas le motif. Il est d'ordre supérieur. Dans la grande prairie inclinée au pied du séminaire international, mon regard a tout simplement croisé, ce jour-là, les yeux de Monseigneur Lefebvre. Leur lumière éloquente a rejeté dans l'ombre mes autres souvenirs. Nos savants canonistes voudront bien ne pas se formaliser, le visage creusé mais heureux de Monseigneur a fait mieux encore pour la paix de ma conscience que leurs précieuses assurances d'être en règle avec l'Église.
Sachant sa mort approcher, et l'annonçant, Monseigneur ne pouvait pas alors, ne pas être plus que jamais préoccupé de son salut éternel. Or il émanait de sa personne une tranquille certitude du devoir accompli, une humble confiance en son jugement inspiré. Cela garantissait le propre salut de ses fidèles.
« Je prie le Bon Dieu de nous retrouver tous au paradis », avait confié sur son lit de mort la sainte maman de Monseigneur. Si près d’être réunis, aurait-il pu, me disais-je, entreprendre, contre son cœur de fils aimant, un acte qui risquât de les séparer ? « Là-haut, je serai toute puissante. Je vous aiderai », furent les ultimes paroles de Madame Lefebvre, destinées à ses cinq enfants religieux ou religieuses.
Le 30 juin 1988, l’idée personnelle m’était venue que Monseigneur pensait, dans l’intimité de son âme, à sa chère mère. L’idée – certes trop humaine – ne m’a plus quitté qu’ils ont reformé dans le Ciel le cercle béni de leur famille. Et qu’ils nous sont « plus présents encore sur la terre ». (Y.C.)
Extrait de Fideliter N°123, mai-juin 1998
C. de P.
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