Ces derniers mois, une erreur s’est propagée dans quelques esprits,
laquelle consiste à faire croire que les papes postérieurs à Vatican II
seraient les pasteurs non pas de l’Église catholique mais d’une nouvelle entité
indépendante, appelée « Église conciliaire ». Les diffuseurs de cette
théorie hétérodoxe n’hésitent pas à recourir aux propos de Mgr Marcel Lefebvre
pour asseoir leur exposé. Dans une conférence dispensée en 1975, plusieurs
semaines après la suppression abusive de la Fraternité Saint-Pie X, son
fondateur parle effectivement d’une « nouvelle Église » :
« Il y a
certainement eu une rupture à partir de Vatican II. C’est l’esprit nouveau, une
réforme, une nouvelle Église, une Église libérale, une Église réformée,
semblable à l’Église réformée de Luther, en définitive, qui s’est introduite
dans l’Église catholique. Ce n’est plus l’Église catholique. »
En lisant ces quatre lignes détachées du reste de la conférence, on
pourrait presque s’interroger. Ce qui est cependant problématique pour la thèse
qui consiste à faire croire que le pape serait le chef d’une Église conciliaire
indépendante, c’est que Mgr Lefebvre affirme explicitement que cette
« nouvelle Église » est comme une mouvance qui s’est introduite à
l’intérieur de l’Église catholique et non une entité séparée et indépendante.
D’ailleurs dans la même conférence, à quelques secondes d’écart, l’archevêque
cite une lettre qu’il vient d’écrire au Souverain Pontife. Il ne s’agit pas à
l’époque de Benoît XVI, mais bien de Paul VI, ce pape qui a signé le décret sur
la liberté religieuse, qui a promulgué la nouvelle messe, ce pontife qui a fait
supprimer canoniquement l'œuvre de la Fraternité. Or, c’est à propos de ce
pape, dans la même conférence, que Mgr Lefebvre exprime ces mots, dénués de
toute vengeance et empreints d’une immense déférence :
« Je voudrais
vous lire la réponse que j’ai faite au Saint-Père pour que vous soyez au
courant de ce que j’ai écrit ces jours derniers aux deux lettres que le
Saint-Père m’a adressées. Je croyais bien de répondre au Saint Père
publiquement, mais je ne l’ai pas fait parce que j’avoue que j’éprouvais de la
gêne à faire une réponse publique au Saint-Père, c’était donner un peu
l’impression que je me mettais sur le même pied que lui. Or cela me répugne,
j’ai trop de respect de la fonction du successeur de Pierre pour donner
l’impression publique que je suis sur le même pied que le pape, donc je n’ai
pas voulu faire cette lettre publique. C’est ce que j’ai dit d’ailleurs au
Saint-Père dans les premières lignes. « Très Saint-Père, si ma réponse à
la lettre de votre Sainteté est tardive c’est qu’il me répugnait de faire un
acte publique qui aurait pu faire penser que j’avais la prétention de traiter
d’égal à égal vis à vis des successeurs de Pierre. Je m’empresse, sur les
conseils de la nonciature d’écrire quelques lignes à votre Sainteté pour lui
exprimer mon attachement sans réserve au Saint-Siège et au vicaire du Christ.
Je regrette sincèrement qu’on ait pu mettre en doute mes sentiments à cet égard
et que certaines de mes expressions aient été mal interprétées. C’est à son
Vicaire que Jésus-Christ a confié la charge de confirmer ses frères dans la foi
et qu’il demande de veiller à ce que chaque évêque garde fidèlement le dépôt
selon les paroles de saint Paul à Timothée. Cette conviction qui me guide, et
qui m’a toujours guidé, dans ma vie sacerdotale et apostolique, c’est cette foi
que je m’efforce d’inoculer, avec le secours de Dieu, dans la jeunesse qui se
prépare au sacerdoce, cette foi est l’âme du catholicisme affirmé par les
évangiles : « Sur cette pierre je fonderai mon Eglise ».
Mgr Lefebvre exprime-là un immense respect du Saint-Siège et du
vicaire du Christ qui n’a rien à voir avec l’état d’esprit des propagateurs de
la nouvelle théorie qui appellent plutôt à condamner de manière systématique et
avec des mots d'une rare virulence le successeur de Pierre comme un paria et à
lui dénier toute parole heureuse. Si le fondateur de la FSSPX parle dans
cette même conférence de « nouvelle Église », c’est uniquement pour
parler de la tendance conciliaire qui est comme un corps étranger qui est
inoculé dans l’esprit de certains hommes d’Église. En aucune manière, et la
romanité de l’archevêque est là pour l’exprimer, cela ne peut remettre en cause
la réalité selon laquelle le pape est le pasteur de l’Église universelle. Paul
VI avait absout les schismatiques, encouragé les hérétiques, dévasté la
liturgie. Malgré ces épouvantables conditions et au cœur même de la tourmente,
Mgr Lefebvre manifeste en vrai catholique une romanité sans faille. Il ne se
laisse pas gagner par l'aigreur. Il exprime cette foi, qui, bien qu'éprouvée
dans les temps actuels, est selon ses termes « l’âme du
catholicisme ».
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