Comme Mgr Lefebvre aurait pu se
révolter ou se décourager devant les événements sous prétexte qu’ils étaient
pires que ceux de la veille ! Tant de ses confrères évêques ou prêtres ne
sont-ils pas usé par les défaites et les revers ? Relégué maintes fois par
les prélats de son époque, traîné dans la boue par les médias en tous genres,
il a dû faire face aux calomnies comme aux scandales les plus grands dans
l’Église. Pourtant, c’est toujours la joie chrétienne qui a rayonné en lui.
Nulle rage, nulle aigreur, nul découragement. Lorsqu’il prêchait la vérité,
c’est une bonté sans borne pour l’âme de ses interlocuteurs qui animait
constamment sa fermeté dans la doctrine.
Le 18 mai 1986, en la fête de la
Pentecôte, il donnait ce conseil à ceux qui lui faisaient confiance :
Gardez, même dans les épreuves, la douceur, la bonté, la patience et la
longanimité. Pourtant, un mois auparavant, le pape avait pénétré dans une
synagogue. Quatre mois auparavant, c’est dans la stupeur que le monde
catholique avait accueilli l’annonce de la journée interreligieuse de la paix
qui devait se dérouler en octobre à Assise. Le fondateur de la Fraternité avait
tout motif de sombrer dans une dénonciation sans limite, voire dans un discours
rageur et aigre. Aujourd’hui, par excès ou par usure, nous pourrions être
exposés aux mêmes écueils.
Sans doute le secret de cette
figure qui traverse toute la crise avec une extraordinaire abnégation
réside-t-il dans cette charité qui l’a jadis fait évangéliser l’Afrique puis
sillonner le monde. Jusqu’à son dernier souffle, il ne s’est jamais affranchi
de sa devise épiscopale : Et nos credidimus caritati.
« Quels
seront les fruits du Saint-Esprit au cours de cette vie terrestre, dans ces
contacts avec les événements quotidiens, avec les difficultés, les épreuves,
les doutes, les hésitations, les angoisses ? Saint Paul énumère la
patience, la bénignité, la bonté, la longanimité. Voilà les fruits qui relèvent
en définitive de l’espérance. Les Apôtres ont désormais les yeux fixés sur le Ciel,
les yeux fixés sur Dieu, sur le bonheur éternel qu’ils attendent avec un espoir
profond. In te Dómine, sperávi, non confúndar in ætérnum (Ps 70, 1).
« En vous, mon Dieu, j’ai placé mon espoir, et nous ne serons pas
confondus », c’est bien ce qu’ils devaient se dire. Dès lors toutes les
choses de la terre leur apparaissent sous un autre jour, ils n’y sont plus
attachés. Dans les difficultés,
dans les souffrances, dans les angoisses, ils avaient ces dispositions de
patience, de bonté, de douceur, de longanimité. N’est-ce pas ce que l’on
rencontre chez les vrais chrétiens, chez les vrais catholiques ? Ce visage
de douceur, de bonté, de patience, de longanimité dans les épreuves, dans les
difficultés, dans les soucis quotidiens ? […]
« Examinons-nous. Avons-nous conscience
d’avoir reçu les fruits du Saint-Esprit ? Avons-nous conscience d’être
vraiment près de Dieu, d’avoir Dieu en nous, de connaître Dieu, de mesurer la
charité de Dieu ? Rappelons-nous la magnifique épître de saint Paul que
nous lisons si souvent à l’occasion de la fête du Sacré-Cœur, l’épître aux
Éphésiens, dans laquelle saint Paul décrit la hauteur, la profondeur,
l’immensité de la charité de Dieu (Ép 3, 18-19). Avons-nous
conscience de cette charité de Dieu envers nous ? Vivons-nous vraiment
près de Dieu ? Et par conséquent, est-ce que nous partageons la paix et la
joie de Dieu, dès ici-bas, par la présence du Saint-Esprit en nous, par
l’effusion du Saint-Esprit en nous ?
« Est-ce que nous participons aussi à tous
ces fruits qui nous sont donnés, pour marcher vers notre éternité au milieu de
toutes les difficultés de ce monde, au milieu de toutes les tentations de ce
monde corrompu, de tous les obstacles qui se présentent à notre vie chrétienne,
et de tous les attraits du péché ? Vivons-nous vraiment de ces fruits du
Saint-Esprit qui sont la patience, la bonté, la douceur, la magnanimité, la
longanimité ? Comme il est bon de se rappeler ces choses !
Tous les jours, peut-être, nous avons à exercer ces vertus, ou alors nous nous
révoltons devant les événements qui nous entourent, et nous nous opposons à la
volonté du Bon Dieu. Lorsque nous
souffrons, comme nous souffrons aujourd’hui dans l’Église et par l’Église,
sommes-nous dans ces dispositions de patience, de douceur, de mansuétude
vis-à-vis des épreuves que le Bon Dieu permet que nous subissions, même de la
part de nos frères ? »
Ecône, Sermon du 18 mai 1986
Ecône, Sermon du 18 mai 1986
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