Les
citations du fondateur de la Fraternité semblent fuser ici ou là sous l’effet
de réactions affectives : l’inquiétude ou la passion. On brandit l’une
pour justifier l’idéologie du moment, on saisit là une autre pour asseoir une
thèse a posteriori. Que penserait-il lui-même de ceux qui s’emparent de ses
propos ? Que dirait-il à ceux qui amassent citation sur citation pour tirer des
conclusions qui s’apparentent à des équations mathématiques ? A défaut de
pouvoir parler à la place du défunt fondateur de la Fraternité, nous empruntons
ses propres mots. De son vivant, il fut confronté à ceux qui utilisaient ses
écrits, voulaient y déceler des contradictions ou encore des opportunités pour
tirer des conclusions théologiques hâtives et, par conséquent, désordonnées :
« Je ne dis pas que dans
les paroles, on ne peut tirer une phrase et puis l’opposer à une autre, la
tirer du contexte et, ainsi de suite, me faire dire des choses qui ne sont pas
dans mon esprit. J’ai pu quelquefois dire des phrases assez fortes, par exemple
que le Concile était plus ou moins schismatique. Dans un certain sens c’est
vrai parce qu’il y a une certaine rupture avec la Tradition. Donc dans le sens
selon lequel le Concile est en rupture avec la Tradition, on peut dire, dans
une certaine mesure, qu’il est schismatique. Mais quand j’ai dit cela, ce
n’était pas pour dire que le Concile est vraiment, profondément schismatique,
définitivement. Il faut comprendre avec tout ce que je dis. Le Concile est
schismatique dans la mesure où il rompt avec le passé, ça c’est vrai. Mais ça
ne veut pas dire pour autant qu’il soit schismatique au sens précis,
théologique du mot.
« Alors quand on prend
les termes comme ça, on peut dire : « Voilà ! Si le Concile est schismatique,
le pape ayant signé le Concile est schismatique et tous les évêques qui ont
signé le Concile sont schismatiques, donc on n’a plus le droit d’être avec eux.
» Ce sont des raisonnements faux. C’est de la folie, ça n’a pas de sens !
« C’est pour ça que je
fais paraître dans Cor Unum cet article sur la foi. Je ne sais pas si
vous avez lu le commentaire de la vertu de foi par le Père Bernard, commentaire
de l’article de saint Thomas d’Aquin. Il prend l’esprit de saint Thomas
d’Aquin, où il montre justement l’infidélité chez les fidèles, où il montre que
parmi ces fidèles il y a le péril de la foi, qu’il y a beaucoup de fidèles dont
on dirait : « Oh ! il n’a plus la foi, c’est un païen, c’est un athée ». Si on
veut, dans une certaine mesure, parce que ce sont des gens qui ne pratiquent plus,
des gens qui n’éduquent pas chrétiennement leurs enfants, des gens qui ont des
raisonnements païens, du monde, matérialistes, tout ce qu’on voudra. Alors on
dit : « Ils n’ont plus la foi ! » Est-ce qu’on peut dire vraiment qu’ils n’ont
plus la vertu de foi ? C’est autre chose ne plus avoir l’esprit de foi, ne plus
pratiquer sa foi, et ne plus avoir la foi, ce sont des formules différentes.
C’est dangereux d’appliquer tout de suite ces choses-là, parce que par le
baptême ils gardent la vertu de foi. Ils ont la vertu de foi, mais ils ne la
mettent pas en exercice, ils ne la pratiquent pas. Ça c’est autre chose. »
(Mgr
Marcel Lefebvre, retraite sacerdotale, 1980)
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