En 1975, Paul VI ouvrait
la porte de Saint-Pierre pour l’Année Sainte. Partout le pontife romain rattachait le
Jubilé au concile Vatican II dont le monde tout nouvellement imbu des idées du
Concile célébrait le dixième anniversaire. L’heure était encore à l’euphorie.
Presque chaque semaine, le pape Montini martelait comme un leitmotiv le
lien étroit entre Concile et Jubilé : « Dix ans après la fin du Concile œcuménique Vatican II,
l’Année Sainte nous semble devoir en quelque sorte marquer l’achèvement d’un
temps consacré à la réflexion et à la réforme »[1]. Il ajoutait même que ce jubilé
devait être centré sur la compréhension du Concile : « Quelle est la charrue de l’Année Sainte ?
C’est le Concile que l’on peut considérer comme cultivant avec amour le grand
champ de l’Eglise, puis le champ, plus vaste encore, de l’humanité[2] ».
L’attitude de Mgr Lefebvre
consistait-elle à rester braqué sur ces dispositions sous prétexte que le
message du Concile était prédominant et qu’il fallait jeter toute la soupe
empoisonnée ? La force d’âme du prélat et l’esprit de discernement ont
heureusement prévalu :
« Malgré tous les bruits, ce que les
journaux, la radio et autres ont pu dire sur ce fameux pèlerinage qui a causé
tant d’émoi parmi les groupes traditionalistes, eh bien je pense que le
pèlerinage va quand même se réaliser ! »[3]
Et le fondateur de la Fraternité
de présenter les conditions de ce grand pèlerinage, sous les applaudissements
de ses séminaristes :
« Il est évident que la condition c’est
que les messes auxquelles assisteront ces pèlerins soient des messes de saint
Pie V mais ces messes seront dites dans diverses paroisses de Rome, là où on
les dit habituellement encore maintenant ; donc les pèlerins se
disperseraient suivant l’implantation dans Rome et se regrouperaient pour les
messes de saint Pie V dans ces différentes paroisses où on les dit déjà encore
actuellement et puis nous irions visiter les sept basiliques de Rome où nous
essayerions d’avoir une bénédiction du Saint-Sacrement avec le chant du Credo et, peut-être au moins dans une des Basiliques, la récitation – enfin la
proclamation – du serment anti-moderniste pour affirmer notre foi ! »[4]
Mgr Lefebvre présentait ensuite
l’esprit de ce pèlerinage :
« Ce sera plutôt un voyage de
pénitence, mais faites-le vraiment dans cet esprit de réparation pour tous les
sacrilèges, pour tout ce qui se passe actuellement dans l’Église qui doit
certainement attirer des malédictions sur l’humanité ! Et donc dans la
mesure où il y a quelques justes encore qui prient et qui font pénitence, le
Bon Dieu montrera peut-être un peu de miséricorde pour cette pauvre
humanité qui s’en va vers sa perte ! »[5]
Faudrait-il qu’aujourd’hui la
crise ait fait des ravages dans les mentalités au point qu’on craigne de
témoigner de peur de se laisser contaminer ? Ne trouvera-t-on même plus
ces quelques justes pour quémander cette miséricorde divine sous prétexte qu’ils
considèrent ne plus vraiment être les héritiers de Rome (car Rome est toujours
dans Rome) et qu’ils pensent pactiser en passant la Porte Sainte ? Le
diable tend un piège aux catholiques et se frotte les mains à l’idée qu’ils se
priveront des grâces du jubilé, des indulgences pour leurs vies et celles de
leurs proches et se laisseront emporter par une animosité déraisonnée. Il ne
s’agit pas aujourd’hui d’un jubilé du dialogue interreligieux ou des droits de
l’homme mais d’une réalité bien catholique, quand bien même elle serait
mal interprétée par les autorités dans l’Église : la miséricorde. Ni
cette vertu ni les jubilés n’ont été institués par le Concile, encore moins par
le Synode. « Heureux les miséricordieux car ils obtiendront
miséricorde » disait il y a deux mille ans Notre Seigneur Jésus Christ.
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