En 1972, le Père Eugène de Villeurbanne fondait le couvent des
capucins de Morgon (Rhône) pour maintenir toute la pureté de la règle
franciscaine malmenée par les épreuves de la période conciliaire. Très proche
de Mgr Lefebvre, il lui demanda de former et d’ordonner ses futurs prêtres.
C’est ainsi que l’archevêque conféra le sacerdoce à quatre d’entre eux entre
1982 et 1986, après les avoir formés à Écône. Adonné à la prière, éloigné du
monde, faisant rayonner la charité, le Père Eugène eut le souci, jusqu’à sa
mort survenue en 1990, de perpétuer l’esprit du Poverello d’Assise, au cours de la sèche période de l’aggiornamento où certains clercs, rongés
par l’activisme et par le mépris de toute tradition, avaient fait du domaine
religieux un champ d'action politique et voyaient dans leur prochain un ennemi
extrémiste à mépriser et à combattre. En 1982, le Père Eugène se rendait compte
que le même danger pouvait un jour s’emparer des rangs de ceux qui avaient
pourtant eu le courage de défendre la messe et le catéchisme traditionnels.
Grand était le risque de voir au sein du monde catholique une guerre partisane
de tranchées où le principal ennemi n’était plus le vieil homme qui sommeille
en nous mais le voisin de chapelle qui ne fait pas exactement comme nous. Il
mettait en garde contre le péril qui consistait à « se confiner dans un
traditionalisme de combat ».
« De tous
côtés s’installe la division, se manifestent les colères, de l’orgueil, de
l’injustice. Des
« traditionalistes » un temps d’accord sur les vérités claires et
essentielles de la foi mettent leur honneur à soulever des
« problèmes », à raison avoir sur des questions d’importance
lointaine pour la vie quotidienne des fidèles. Les intelligences s’estiment
traditionalistes mais les cœurs ne le sont plus si jamais ils l’ont été. La
charité fraternelle est, elle aussi, une richesse de la Tradition.
« Le danger est grand de se confiner
dans un traditionalisme de combat, de concevoir les vérités de la foi comme une
occasion de lutte, de coups et de victoire, de considérer la théologie
dogmatique comme un arsenal de guerre ou même trop exclusivement comme le moyen
de l’illumination de l’intelligence dans l’oubli des yeux du cœur assoiffé
d’espérance, avide de goûter les trésors de gloire que renferme l’héritage de
Jésus-Christ. Grand est le risque d’accommoder les vérités de Jésus-Christ
et les membres de Jésus-Christ à ses propres goûts ; saint Paul nous a
appris où cela pouvait conduire.
« La présence des fidèles à notre
messe traditionnelle n’est pas une finalité, la foi aux vérités dogmatiques ne
l’est pas non plus ; ce qui compte c’est la foi qui opère par la charité
et conduit à la charité pour Dieu et à la charité fraternelle. Les
institutions chrétiennes, la catéchèse, la théologie ne doivent pas seulement
conduire les âmes aux portes d’entrée de l’amour surnaturel ; elles
doivent faire progresser dans le domaine illimité des ascensions dans les
profondeurs et les altitudes de l’amour de Dieu, dans le dulcor charitatis.
Nul ne saurait s’y enfoncer s’il est en désaccord avec ses frères. « Celui
qui n’aime pas son frère qu’il voit ne saurait aimer Dieu qu’il ne voit
pas ». Entendons saint Paul nous dire « Du moment qu’il y a parmi
vous jalousie et discorde, n’êtes-vous pas charnels et votre conduite
n’est-elle pas tout humaine ». Un
« traditionalisme » qui a perdu la charité est-il encore traditionnel
? »
Cité
par le Combat de la Foi
et
par Lecture et Tradition, N° 98,
novembre-décembre
1982, pp. 7-8.
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