Souvent,
ceux qui s’en prennent à la Fraternité Saint-Pie X s’ingénient à la tourner en
dérision et à caricaturer sa position ou sa doctrine (laquelle n’est rien
d’autre que celle qui a été dispensée par l’Église pendant les siècles). Ainsi,
l’accuse-t-on d’attendre un dénouement irréalisable de la crise, où il
conviendrait que les responsables des méfaits dans l’Église fassent
« repentance » quand il ne faudrait pas attendre une intervention
spectaculaire du Ciel qui châtierait les coupables et exalterait ceux qui
seraient alors faussement humbles.
Toujours
armé par son pragmatisme naturel, Mgr Lefebvre faisait preuve de beaucoup plus
de réalisme. Il ne négligeait aucune solution par étapes. Ainsi, à l’heure où
il annonçait qu’il allait probablement sacrer, il préconisait de revenir sur le
Concile avec doigtée. Un journaliste lui demandait : « Est-ce que vous voyez le Pape, un dimanche matin, se montrer
place Saint-Pierre et annoncer aux fidèles qu’après plus de vingt ans, il s’est
avisé que le Concile s est trompé et qu’il faut abolir au moins deux décrets
votés par la majorité des Pères et approuvés par un Pape ? »
Mgr
Lefebvre n’attend pas que les responsables, en chemise blanche et la corde au
cou viennent faire leur auto-critique comme on pouvait en faire sous l’ère
stalinienne. Au contraire, il répond de manière posée : « Allons donc ! A Rome, on
saurait bien trouver une modalité plus discrète… Le Pape pourrait affirmer avec
autorité que quelques textes de Vatican II ont besoin d’être mieux interprétés
à la lumière de la Tradition, de sorte qu’il devient nécessaire de changer
quelques phrases, pour les rendre plus conformes au Magistère des papes
précédents. Il faudrait qu’on dise clairement que l’erreur ne peut être que
« tolérée », mais qu’elle ne peut avoir de « droits » ; et que l’Etat
neutre au plan religieux ne peut, ni ne doit exister. » Mgr
Lefebvre disait cela en même temps qu’il annonçait une prochaine consécration
épiscopale.
Face
à une question similaire, son successeur, Mgr Fellay vient de formuler une
réponse semblable dans un entretien qu’il a accordé à Nouvelles de France : « En ce qui concerne
Vatican II, comme pour la messe, nous estimons qu’il est nécessaire de
clarifier et de corriger un certain nombre de points qui sont soit
erronés, soit conduisant à l’erreur. Cela étant, nous ne nous attendons
pas à ce que Rome condamne Vatican II avant longtemps. Elle peut
rappeler la Vérité, corriger discrètement les erreurs en sauvegardant son
autorité. Toutefois, nous pensons que la Fraternité apporte sa pierre à
l’édifice du Seigneur en dénonçant certains points litigieux. »
Et
cette prudence sur l’échéance qu’évoque Mgr Fellay se retrouve aussi chez Mgr
Lefebvre qui dit être prudent face aux pressions d’une « mafia
libérale-maçonnique » qui tend à empêcher le pape d’agir en faveur de la
Tradition de l’Église. N’est-ce pas cette même tendance que dénonçait le
supérieur général de la FSSPX lorsqu’il pointait du doigt ces derniers temps
tous ceux qui s’attachaient à empêcher toute reconnaissance de la
Fraternité ?
L’histoire
de l’Église nous enseigne que les crises trouvent leur résolution non pas de
manière spectaculaire mais par étapes. Par exemple, le fameux Édit de Milan
qu’on considère depuis des siècles comme l’acte de naissance de la Chrétienté
n’est pourtant rien d’autre qu’une liberté donnée à tous de pratiquer son culte.
Faudrait-il pour autant traiter Constantin de libéral ? Il a pourtant
fallu en passer par là pour que de la persécution, nous parvenions finalement à
l’avènement du Saint Empire.
Côme de Prévigny
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